Darwin l'avait dit...
Tout se renouvelle... voilà le petit dernier

Écrire un nouveau roman c'est extraire de son inconscient des petites cellules toutes neuves, pour les laisser évoluer, préférablement pendant un grand bout de temps, comme un de mes éditeurs me l'avait suggéré (tellement vrai). Comme une levure qui fait monter le pain. Avec un peu de chance on arrive à une représentation qu'on espère la plus fidèle possible de ce qui grouille et survit en nous, soit un organisme multiforme et étrange, qu'on ne reconnait pas comme sien au premier abord. Mon bébé, ça ? Cette chose surprenante ?
Bien sûr, on sait que les idées et formes mentales ténébreuses qui se battent le plus fort atteignent en premier le fil d'arrivée. Que le résultat final un peu ou très mutilé n'est que la faute de nos caprices et complexes, de notre mauvaise foi et faux fuyants. Pour ça, leur allure estropiée de menteur. Comme génitrice, j'ai beaucoup joué du ciseau et avec beaucoup de cruauté, mais hey, ça fait partie de la game. Ce combat-là fait toujours du bien. Sinon quoi.
Pendant 3 ans, j'ai donc battu ces fantômes et petites bêtes, au sang et quatre cent quatre-vingt pages plus tard, voici donc cette saga, " Vous êtes partis sans moi ", qui atterrit sur le bureau des éditeurs, en espérant attirer l'attention. Je l'ai écrite pour ça quand même... qu'elle fasse un peu de dégâts là où elle tombera.
J'espère tellement qu'elle laissera une petite marque sur les âmes à qui elle se destine, un effleurement, au moins un "double take". J'ai eu un fun noir à l'écrire, mais j'ai beaucoup sué aussi. Donc. Le minimum que je puisse espérer, c'est que quelqu'un, en quelque part me dise en s'arrêtant sur même, juste une seule phrase : "T'sé, quand t'as dit ça... ça m'a tellement rejoint". Là, je serais comblée ... On verra.
EXTRAIT Vous êtes partis sans moi
Françoise-Émilie Beausoleil Dutil fonce dans le blizzard le manteau grand ouvert, insensibilisée par trop de milligrammes de benzodiazépine.
Un vent violent s’est levé pendant la nuit, les flocons drus lacèrent les visages de ceux qui osent sortir, les hivers de plus en plus tardifs avec leurs tempêtes soudaines aux allures d’ouragans enterrent tout désormais, d’un seul coup. La nature s’effondre de partout, il n’existera bientôt plus de raison d’en vouloir ou de pardonner, on aura tout brûlé. Faudra aller se chercher ailleurs des raisons de tout foutre en l’air.
Elle y est presque.
L’édifice du poste de police semble beaucoup plus haut que dans son souvenir. Même à travers les rideaux de neige qui en atténuent les contours, il en impose.
On pourrait dire que ce qu’elle s’apprête à faire demande du courage, mais pas vraiment. Toutes les petites pilules auto prescrites qu’elle a avalées au cours des derniers jours sans trop les compter la portent vers ce qu’elle espère être sa rédemption. Ou juste, ce qu’elle mérite.
